Droit de réponse “et si on pensait monnaie locale…”

2 réponses de Galaisou

  1. Bonjour, 

L’article intitulé “Et si on pensait monnaie locale…”, diffusé dans l’édition du Ouest-France du 11 mai 2020, témoigne d’une grande confusion des genres et, à ce titre, est propre à égarer le lecteur.

En effet, la “monnaie locale” qui y est décrite est tout sauf une Monnaie Locale Complémentaire (M.L.C.) telle qu’elle est définie par la loi Hamon – Duflot du 31 juillet 2014, portant sur l’Economie Sociale et Solidaire (E.S.S.). Le Galais, qui est cité et dont on montre des coupons en illustration jointe, est conforme pour sa part à cette loi et n’a rien à voir avec ce qui est présenté. 

En effet, – le “Corona-franc” dont il est fait état serait “distribué par l’Etat”, on suppose donc sur le territoire national. Ce n’est alors pas une monnaie locale, qui est limitée par le Code Monétaire et Financier à un territoire de chalandise. Le Galais, par exemple, ne peut être utilisé hors du Pays de Ploërmel (Oust à Brocéliande Communauté et Ploërmel Communauté). 

– En outre, tel que vous le décrivez, il s’agit “d’argent hélicoptère”, que proposait en 1969 l’économiste Milton Friedman en vue de relancer la croissance par la consommation, de l’argent créé selon le principe de la “corne d’abondance”. Or, le Code Monétaire et Financier stipule que 1 unité de M.L.C. doit être nantie en banque par 1 € en fond de garantie et ne peut donc être mise en circulation qu’à l’issue d’une opération de change Euros contre coupons de M.L.C. : ça n’a donc encore rien à voir, même si l’idée “d’agent hélicoptère” en elle-même est économiquement et surtout humainement très séduisante au profit des plus défavorisés. 

– Par ailleurs, les “secteurs de l’économie sociale et solidaire”, évoqués dans l’article, résultent eux-mêmes de la loi du 31 juillet 2014 pré-citée, qui précise pour faire partie de l’E.S.S. un certain nombre de critères : utilité publique reconnue, gouvernance démocratique et gestion vertueuse.  En conséquence, “la grande distribution” par exemple, ne peut faire partie par nature de l’E.S.S. En outre, il n’y a que quelques exceptions au fait que les M.L.C. soient majoritairement gérées par des collectifs de citoyens, qui se sont réappropriés un moyen de paiement dont même les Etats n’ont plus la maîtrise aujourd’hui avec leurs monnaies nationales. Confier aux “collectivités territoriales” la gestion des monnaies locales pourrait leur faire courir à terme, de la même manière, le danger d’échapper au contrôle citoyen pour suivre un chemin similaire. L’expérience du Rollon, en Normandie, mérite à cet égard d’être suivie de près, ainsi que le sort réservé aux quelques M.L.C. qui préexistaient en territoire normand à sa création. 

– Enfin, les acteurs de l’E.S.S. ont pour une large part considérablement pâti de la crise en raison de leur fragilité intrinsèque ; en conséquence, ils sont loin d’être “dotés d’une bonne solidité financière”, ils seraient plutôt aujourd’hui aux abois. Ils auraient certainement besoin, comme l’ont proposé le 11 mai la Région Bretagne et la Banque des Territoires, des prêts à taux zéro du fonds “Covid résistance” ou de toute autre aide financière, sous quelque forme que ce soit. Pour autant, le paragraphe commençant par “Que feront ces structures de ces bons d’achat ?” correspond tout à fait à l’éthique que sous-tend la démarche de création et d’utilisation d’une M.L.C. L’honnêteté veut qu’on en prenne acte. 

Enfin, pour la petite histoire, il serait bon de signaler au rédacteur de l’article “Comment consommer vraiment local ?” que le “Mercosur” concerne les Etats d’Amérique du Sud, et non le Canada … 

Cordialement, 

Jacques ISNARD

2. Bonjour,

J’ai lu avec grand intérêt votre article du 11 mai “Et si l’on pensait monnaie locale…” d’autant plus que l’illustration est celle du Galais, la Monnaie Locale Complémentaire et Citoyenne du Pays de Ploërmel que j’ai contribué à fonder. J’étais d’ailleurs présent lors de cette prise de vue sur le marché local de Malestroit.

A ma grande surprise toutefois je note un véritable contresens avec les fondements qui motivent les quelques 82 Monnaie Locales Complémentaires de France que j’ai la chance de côtoyer depuis 2011 pour les plus anciennes. Si nous pourrions être d’accord sur une partie des constats et des pistes suggérées, reprenant implicitement les travaux d’Alain Grandjean (en copie de ce mail, il vous expliquera bien mieux que moi) et Benoit Dufrène (co-auteurs d’Une monnaie écologique pour sauver la planète aux éditions Odile Jacob), nous nous inscrivons en totale contradiction avec la solution qui consisterai notamment à soutenir par les monnaies locales ou une monnaie locale nationale la grande distribution ou n’importe quel fournisseur d’énergie. 

En effet, selon nos analyses, les grandes surfaces contribuent sinon à la destruction, du moins à la vassalisation des petites unités de production, réduisent la qualité des cahiers des charges des produits en même temps que les marges des producteurs pour assurer leurs propres bénéfices qui, d’après les éléments que j’ai pu glaner auprès de personnels bien placés de deux des plus grandes enseignes françaises, peinent à assurer la survie de ces mastodontes. A tel point qu’aujourd’hui seules les petites et moyennes surfaces sont rentables en France ; les hypers survivant quant à eux grâce aux fonds de roulement générés par leur fréquentation qui leur rapporte même davantage que la vente de leurs produits ! Le tout est en plus couronné par une optimisation fiscale pour ne pas employer le terme d’évasion qui vient contredire, là encore, les motivations spécifiques de nos Monnaies Locale qui se consacrent à la relocalisation de la production, de la consommation et de la circulation monétaire. 

Je vous propose dès lors de vous pencher sur les travaux sus-cités et si le cœur vous en dit, sur notre tout jeune et très concret Coffret Galais www.galais.org dont le lancement est prévu le 2 juin pour la fête des mères. Cette box locale et solidaire qui là encore au lieu de pressurer les professionnels en réduisant leurs marges et favoriser la fuite des capitaux en Ireland, comme ça semble être pratiqué par les ténors du secteur, offrent à nos professionnels un modèle économique gagnant-gagnant, solidaire alors que plus de la moitiés des 42 prestataires qui proposent plus de 140 offres de cadeaux originaux et locaux, se trouvent aujourd’hui dans de graves difficultés économiques. Difficultés qu’assurément une consommation dans les circuits industriels et d’hyper-consommation ne viendra pas résoudre alors que ces petites et moyennes entreprises représentent encore plus de 49% des emplois de notre économie réelle pour plus de 99% du tissu économique de notre Pays. Je vous saurai gré de permettre à votre lectorat de pouvoir continuer à discerner ce qui relève des monnaies locales complémentaires et citoyennes, de ce qui s’apparente davantage à de la monnaie dite hélicoptère pour le coups sans véritable éthique afin de réduire la confusion qui me semble déjà très importante en ce moment dans bien des domaines déjà suffisamment complexes.

Bien cordialement,

Cédric André

La réponse de l’auteur qui vient largement tempérer nos invectives (toujours aussi fondées en elles-mêmes).

Bonjour,

J’ai également lu avec intérêt votre point de vue sur cette proposition que j’ai faite, et je vous remercie pour cet échange, qui m’amène à re-formuler ce qui n’a peut-être pas été bien compris:

Bien au contraire de favoriser les hyper ou super-marchés, il s’agit de leur imposer d’accepter les bons d’achats, qu’ils ne pourront pas reconvertir en euros sauf à engager des actions en faveur de la transition écologique avec le montant de la reconversion. Cette reconversion résiduelle assurée par les finances publiques leur impose donc d’investir cette part de leur chiffre d’affaire dans la transition écologique. Je suis pour ma part persuadé qu’il n’y aura pas beaucoup de volontaires, d’où la nécessité de passer par la loi.

Cette proposition est à l’échelle du problème : plusieurs millions de Français mal nourris, mal logés , mal chauffés, mal transportés. Ce n’est pas avec nos petites monnaies locales, malgré tout l’intérêt qu’elles présentent pour quelques milliers de personnes (qq dizaines de milliers si vous préférez) , qu’on améliorera le sort de la grande majorité de ces personnes en difficulté: il faut leur donner du pouvoir d’achat , ce que ne font aucunement les monnaies locales, ou de l’accès à prix réduits ou la gratuité aux produits et services visés, sans pour autant peser sur les services publics ou les impôts. Voilà le sens de cette proposition.

Je n’aurais peut-être pas dû faire référence aux MLC, mais il y a un parallèle évident: la création de pouvoir d’achat orienté vers les besoins fondamentaux, sans pour autant faire tourner la mécanique de la dette, ni provoquer l’effet inflationniste de la monnaie hélicoptère, tout en portant les valeurs de l’écologie et du social.

J’espère vous avoir convaincu que je ne joue pas pour les grands distributeurs, d’ailleurs je ne joue à rien puisque je n’ai aucune influence sur le cours des choses, si ce n’est à la très petite échelle de notre monnaie locale.

Bien à vous,

Pascal Locuratolo

PS: au passage, Le Galais a eu droit à une petite publicité gratuite dans Ouest-France, à l’initiative du journal 😉