Redynamiser un territoire après la Covid-19 : monnaie locale ou bons d’achats ?

A Josselin, l’équipe municipale a eu la bonne idée d’adresser à chaque habitant un bon d’achat de 10 euros dans les commerces locaux (excepté les grandes surfaces) afin de les soutenir après la période de confinement, pour un total de 22 000 euros. En effet, pendant celle-ci, les hôtels, cafés, restaurants et les commerces de proximité non alimentaires ont été contraints de fermer.

A Charleroi en Belgique, 20 Carol’Or (la monnaie locale de la région de Charleroi) devraient être offerts en septembre à chaque citoyen dans cet esprit de relance locale, soit un budget total de 4 millions d’euros financé par emprunt. La ville de Mons débloque de la même façon 150 000 euros en monnaie locale et la ville de Gembloux (25 000) habitants, environ 500 000 euros.
À Capestang près de Béziers, la ville crée une monnaie locale qui sera valable jusqu’à fin 2020. L’équivalent de 50 euros est attribué à chaque famille, pour un total de 80 000 euros. La ville de Saint-Denis y pense aussi.

Ailleurs encore, comme à Tenino (1 800 habitants) dans le nord-ouest des États-Unis, le maire a imprimé 10 000 dollars en chèques en bois à l’intention de ses concitoyens les plus démunis. Ces bons d’achat originaux lui ont assuré (pour pas cher) une image internationale de défenseur des plus pauvres.

Ces différentes initiatives poursuivent l’un des deux ou les deux objectifs suivants : redynamiser les commerces locaux grâce à un moyen de paiement qui ne peut être dépensé qu’auprès d’eux ; soutenir les revenus des personnes qui sont le plus durement touchées par la crise sanitaire et économique. Dans les deux cas, soit une mairie émet ses propres bons d’achat (limités dans le temps et qui ne peuvent en général pas être redépensés une fois encaissés), soit elle passe par une monnaie locale existante ou à créer, qui peut toucher un territoire plus large que le sien (ce risque est plus important en milieu rural, où les territoires des monnaies locales sont parfois étendus et donc où les consommateurs risquent de dépenser ailleurs que dans la municipalité) mais peut être redépensée à l’infini, et peut donc produire un effet plus important sur le commerce local.

Toutes ces initiatives sont à saluer. Faut-il préférer une solution plus qu’une autre ? La solution bons d’achat gratuits permet de flécher précisément vers les commerces concernés, mais n’est qu’un “one shot” à effet limité dans le temps (à moins que les commerçants soient autorisés à redépenser ces bons d’achat ; c’est alors pratiquement une monnaie locale). La solution monnaie locale a un effet économique multiplicateur plus important (en plus du fait de provoquer une réflexion plus profonde dans la tête du consommateur sur ses pratiques de consommation et leurs conséquences), mais tout dépend de la configuration géographique du territoire.

Cet effet multiplicateur des monnaies locales sur l’économie locale repose également, en plus du fait qu’il est possible de les redépenser à l’infini, sur leur “second effet kiss-cool” qui n’est pas possible avec des bons d’achat : le financement d’entreprises locales grâce aux euros changés en monnaie locale.

Pour que ces politiques de relance micro-territoriales aient vraiment un impact dans la durée, il faut envisager des bons d’achats redépensables, c’est le principe des monnaies locales. Et l’intérêt de cibler les personnes les plus en difficulté plutôt que tous les habitants est que l’on est sûr de soutenir, en même temps que les commerces locaux, les familles qui en ont le plus besoin.

Et au-delà d’une simple redynamisation des entreprises locales, la crise qui nous touche est l’occasion de penser une résilience de long terme de nos territoires. De quelles activités avons-nous besoin, avec quels modes de production et de gouvernance, pour assurer à chacun.e la santé, l’emploi, un logement et des revenus décents, une qualité de vie avec une empreinte écologique réduite ?

L’équipe de la monnaie locale du Galais est à la disposition des élus et des centres d’action sociale du Pays de Ploërmel qui souhaitent agir dans ce sens et dans la durée, car la crise qui s’amplifie n’est pas prêt de disparaître.

Claude et Jean-Christophe, pour le collectif d’animation du Galais

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